Africana Plus

No 1 Avril 1994.1



Afrique

Au sujet du synode


Prochainement, les chrétiens et chrétiennes de l'Afrique vont vivre un événement très important non seulement pour eux, mais pour tous les membres de l'Église universelle. Il s'agit du Synode africain qui se tiendra à Rome du 10 avril au 8 mai 1994.

C'est le 6 janvier 1989 que le pape Jean Paul ll proclamait la tenue d'un tel rassemblement. Cette annonce était l'aboutissement d'un désir exprimé depuis les années '60 par les évêques africains, à savoir: tenir un Concile en terre africaine. Une proposition plus concrète fut faite à Abidjan (Côte d'Ivoire) en septembre 1977 par le théologien camerounais Fabien Éboussi.

Le cardinal Malula du Zaïre se fit le héraut d'un tel événement d'Église. Mais le manque de préparation de certaines conférences épiscopales allié au manque d'intérêt d'autres Églises (12 Églises sur 34 n'ont pas répondu à la consultation) ont fait mourir le projet. Certains évêques africains (du Sénégal et de la Côte d'Ivoire) s'y opposèrent même. Jean Paul ll le fit renaître de ses cendres en proposant la tenue d'un Synode.

Pourquoi un Synode africain ? Parce que le continent africain est la terre chrétienne de demain (*). Il y a là une multitude de baptisés et ils suscitent énormément d'espérance pour le christianisme. Cependant, une telle masse de chrétiens pose aussi de nombreux problèmes. Ceux-ci sont le lot de ces jeunes Églises qui ont dû composer, dès les débuts, avec des religions traditionnelles. La coexistence ne s'est pas toujours faite dans l'harmonie et encore maintenant les dangers d'un syncrétisme religieux existe toujours.

La thématique du Synode sera: L'Église en Afrique et sa mission évangélisatrice en l'an 2 000: Vous serez mes témoins (Act. 1, 18). Les cinq thèmes majeurs (lineamenta) qui y seront abordés refléteront nécessairement ces préoccupations: la première évangélisation, l'inculturation, le dialogue interreligieux, les questions de justice et de paix, les moyens de communications sociales au service de l'évangélisation.

Qui participera à ce Synode ? Outre les membres de droit (Présidents des Conférences régionales et nationales, Cardinaux africains, Responsables des dicastères romains concernés: au total 82 personnes), le Synode réunira 128 évêques élus par leurs pairs. Tous les pays seront représentés, même si la communauté chrétienne y est fort peu nombreuse. Seront aussi présents des prêtres (9) et des religieux (11) élus dans le cadre des Conférences régionales. À ces 230 membres du Synode s'ajouteront à titre d'observateurs, une soixantaine de personnes: 16 religieux, 18 religieuses et 26 laïcs dont 13 femmes.

Au sujet des thèmes abordés, les critiques vont bon train. Des questions importantes ont été oubliées, affirme-t-on. Pourquoi tenir un Synode africain à Rome et non en terre africaine ? Veut-on tenir en laisse l'épiscopat de ce grand continent ? Nous voulons nous faire comprendre même si cela peut faire trembler certains (...). Nous allons à Rome pour discuter des vrais problèmes qui préoccupent l'Afrique, rétorque Mgr Agrée, évêque de Yamoussoukro en Côte d'Ivoire.

Parmi les oublis dénoncés il y a tout ce qui concerne les communautés de base, la pastorale du mariage, l'autosuffisance des communautés africaines ou encore le sida. Pour ne prendre que cette dernière question, les experts disent qu'il sera le problème majeur du continent africain pour les 30 prochaines années. On parle déjà de 7 millions de séropositifs et on en prévoit 20 millions pour l'an 2000. Il y aura des millions de morts. Plusieurs observateurs souhaitent donc un discours responsable dans ce domaine.

Et que dire de la population qui est composée majoritairement de jeunes (60% de la population), dont 40% ont moins de 18 ans. Se met-on assez à l'écoute des jeunes qui, entre autres choses, s'interrogent aujourd'hui sur l'enracinement de l'Évangile en terre africaine ?

On soutient aussi que ces quatre semaines seront insuffisantes. Il est impossible d'aborder convenablement tous les thèmes proposés. À lui seul, le dialogue interreligieux suffirait à épuiser le temps disponible.

Enfin, on chuchote que ce Synode laisse beaucoup de monde indifférent dans les Églises occidentales, là où, semble-t-il, on a d'autres chats à fouetter.

Quoi qu'il en soit, le Synode va avoir lieu et il sera ce que les participants veulent bien qu'il soit.

Le Secrétaire général du Synode à Rome, Mgr Schotte, a insisté pour que les différentes conférences épiscopales de l'Afrique consultent leurs chrétien(e)s de la base. Mais rejoindront-ils leurs préoccupations réelles ? Ventre creux n'a pas d'oreilles, dit-on. Le discours des Pères Synodaux devra être très nourrissant pour intéresser la masse.

Entre temps, il s'agit d'ores et déjà de faire connaître ce grand rassemblement d'Église.

* Églises d'Afrique en pleine croissance

Héritières d'une croissance unique depuis quarante ans, les Églises catholiques d'Afrique vont, selon les prévisions, dépasser les cent millions de baptisés, contre onze en 1949. Si, sur les 311 évêques que comptait l'Église catholique en Afrique à l'époque du Concile Vatican ll, 60 étaient autochtones, ils sont maintenant 400 sur 500. Les Églises d'Afrique sont très diverses: les premières, d'Afrique noire, sont nées, pour la plupart, il y a un peu plus d'un siècle. Même si, dès le 2ième siècle de notre ère, il existait des Églises éthiopiennes et érythréennes, et, au 4ième siècle, un Église nubienne (aujourd'hui le Soudan), la majorité d'entre elles ont moins de cinquante ans. Leur histoire, fruit de la colonisation ou de l'intuition d'une famille missionnaire, ainsi que leur plus ou moins grande proximité avec l'Islam, ont modelé leur visage.

À la diversité répondent des fragilités communes, estime René Luneau, dominicain, enseignant à l'Institut catholique de Paris, et africaniste. Ces fragilités sont de deux ordres: la colonisation et le lien trop étroit avec les Églises missionnaires qui les ont suscitées.

Selon le missiologue Henri Venn, les Églises d'Afrique souffrent souvent de l'absence des trois autonomies: l'autonomie décisionnelle, l'autonomie financière et l'autonomie apostolique. Ce sont elles qui font qu'une Église devient adulte. Au plan financier, par exemple, les Églises d'Afrique vivent sous perfusion. Ainsi, selon les cas, jusqu'à 90 % de leur budget provient de l'étranger.

Ne serait-ce pas là le véritable enjeux du prochain Synode ? Que les Églises d'Afrique deviennent autonomes ?

N.B. Ce communiqué sur le Synode africain est non seulement important pour l'Église universelle mais pour toute société soucieuse de justice et de paix. Ceux qui désirent faire passer cette information dans leur media sont les bienvenus.

Michel Fortin, M.Afr.


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