No 13 Décembre 1996.7
Réfugiés
Le drame se continue. Le sort de centaines de milliers de personnes est en train de se jouer sous nos yeux.
Et si le monde était un village...
Il nous est difficile de savoir le nombre des réfugiés et des déplacés zaïrois et leur emplacement exact. Une source nous dit qu'il y en a 250 000 du côté de Shabunda dans le diocèse de Kasongo. Pour ceux qui se trouvent du côté de Walikale et Lubutu, ils sont des centaines de milliers et se trouvent dans des conditions désastreuses.
Un premier appel nous vient des réfugiés eux-mêmes :
- 350 000 réfugiés rwandais / burundais et déplacés zaïrois de l'est du Zaïre sont sur la route de Walikale-Lubutu en route vers Kisangani.
- Près de 300 000 autres sont concentrés à Walikale, après leur sortie de la forêt.
- Plus d'une centaine sont morts de paludisme, de diarrhée sanglante et d'épuisement. Ils ont été vus sur la route et n'ont pas encore été enterrés.
- Les femmes enceintes ont accouché ou avorté en cours de route et la plupart sont mortes par manque de soins.
- Des enfants par milliers ont perdu leurs parents en cours de route et restent non accompagnés.
- Des dizaines de milliers de corps ont été vus dans la forêt de Kalehe et celle de Kahuzi-Biega ainsi que sur le plateau de Masisi, suite aux exécutions sommaires par les rebelles à l'encontre des réfugiés et des déplacés de guerre zaïrois.
- Pourtant il y a lieu de venir en aide aux survivants qui viennent de passer plusieurs mois de marche dans la forêt sans assistance humanitaire.
- Des possibilités de ravitaillement existent à partir du centre de Luboro situé à mi-chemin entre Kisangani et Walikale ainsi qu'aux postes d'Amisi et Tingiti. Des possibilités de largage de vivres et de médicaments existent aussi le long de la route suivie par les réfugiés et déplacés de guerre.
(Note de la rédaction : nous ne pouvons pas garantir l'exactitude des faits de cet appel).
Un deuxième appel nous vient de sources religieuses.
On nous confirme que la situation est catastrophique pour plus de 600 000 personnes à Kisangani et aux environs. C'est une guerre civile sournoise et elle devient de plus en plus menaçante.
Les denrées alimentaires commencent à manquer à cause de l'embargo des barges qui n'arrivent plus à Kisangani et parce que les voies d'accès à la ville sont fermées.
La population a faim. Les gens ne mangent qu'une fois tous les deux jours...
La mort à petit feu.
Les militaires aussi ont faim, augmentant ainsi le risque de désordres et d'insécurité après le pillage systématique à Bunia, Mambasa, Nduye, Butembo et dans les postes de mission du nord du diocèse de Mahagi. Les missionnaires sont harcelés, menacés de mort et volés à plusieurs reprises. Les pilleurs se présentent aux postes avec armes et grenades à la main. On vole d'abord l'argent et les voitures. Ce qui est laissé est ensuite volé par les suivants.
Un dépouillement à petit feu.
Encore un mois et ce sera la désolation générale.
Les missionnaires font leur possible pour faire face à cette situation, mais leur action peut être comparée à quelqu'un qui se débat dans l'eau, essayant de prolonger sa vie de quelques minutes. Tous les efforts sont inutiles à long terme.
Un SOS est lancé à la communauté internationale.
Ce n'est pas un cargo par semaine qui est nécessaire, mais des dizaines de cargos pour sauver la vie des habitants de cette ville.
Ils faudrait que les télévisions s'y rendent pour dire au monde entier ce qui se passe à Kisangani et sur la route de Lubutu et à Walikale.
(Note de la rédaction : nous pouvons garantir l'exactitude des faits de cet appel).
Il est difficile de comprendre l'attitude des autorités politiques dans cette question. Pourtant il y a des vols de reconnaissance dans l'est zaïrois depuis deux ou trois semaines. Ils doivent donc connaître la réalité.
Ces messages se veulent par eux-mêmes un cri d'alarme en faveur de ces milliers de personnes abandonnées à elles-mêmes par la communauté internationale. Les témoins de ces horreurs et de cette catastrophe humaine lancent un appel au secours aux membres d'organismes caritatifs et, si cela est encore possible, aux responsables des différents gouvernements afin qu'ils dépassent la poursuite de leurs intérêts géostratégiques au profit de ces centaines de milliers de vies humaines en péril.
Et si notre monde était un village...
Michel Fortin,