No 56 Mai 2003.4
Centenaire
Soeurs Missionnaires de Notre
Dame d'Afrique
La congrégation
des Soeurs Missionnaires de Notre Dame dAfrique, mieux
connue sous le nom de Soeurs Blanches, célèbre cette année le
centenaire de son arrivée en sol canadien, le 26 octobre 1903.
La première communauté était composée de quatre soeurs :
trois françaises et une canadienne. Celles-ci sinstallèrent
au 41 rue des Remparts à Québec afin de faire connaître lAfrique
et dinviter des jeunes filles à donner leur vie comme apôtres
et éducatrices par amour de Jésus-Christ.
Quelle est
cette congrégation? Quel est son présent et son avenir? Quel
lien peut-elle avoir avec la société québécoise actuelle et
le reste du monde?
Un peu dhistoire
En 1867, Charles
Lavigerie quitte le siège épiscopal de Nancy pour celui dAlger
(Afrique du Nord) quil voit comme une porte ouverte sur
un continent de 200 millions dâmes...cest là
surtout quil faut porter lapostolat catholique.
Il nagira pas seul. Il crée, non sans difficultés, lInstitut
des Pères Blancs, missionnaires dAfrique, en 1868 et un an
après, il jette les bases dune congrégation de femmes-apôtres
déclarant que seules des femmes peuvent approcher les
femmes. Il a en vue lévangélisation de tout le
continent africain.
Il
se servira de ses équipes de choc pour lancer son action et
former des Africains qui seront eux-mêmes responsables de leur
progrès : les missionnaires ne sont que des initiateurs,
le travail durable se fera par les africains devenus chrétiens
et apôtres.. Se voulant au-dessus des querelles politiques
et raciales il demande aux missionnaires de respecter la culture,
la langue, les coutumes des peuples auxquels ils sont envoyés.
Ce sera à eux à sadapter, à se faire tout à tous, non
le contraire. Apprendre la langue dun peuple, cest
se préparer à lui appartenir.
Les dispositions
quil exige des candidats qui se présentent pour travailler
à la Mission dAfrique conduisent à « donner sa vie
jusquà la mort pour étendre le règne de Dieu»..
Il parlait de vertus héroïques, il offrait un visa pour
le martyre : la moisson des âmes demande de la sueur et du
sang. Au lieu de décourager les jeunes, la description des
dangers et difficultés ne faisait quattiser leur désir.
Quelques séminaristes français se présentèrent, les premières
jeunes filles furent originaires de Bretagne.
Le Canada
missionnaire
Très vite, ce zèle
apostolique pour lAfrique traversa lAtlantique avec
les quelques missionnaires qui vinrent quêter pour leurs oeuvres
pendant que les publications lues dans les églises, comme celle
du Pape Léon XIII sur labolition de lesclavage,
ensemençaient cette bonne terre. Notre continent avait sa propre
histoire de foi reçue par des évangélisateurs venus de France,
dAngleterre, dEspagne. Lhistoire des Catherine
de St- Augustin et Marie de lIncarnation, des Jean de Brébeuf
et des Lallemand se racontaient au coin du feu, attisant le
« zèle des âmes généreuses ».
Les premières
vocations Soeurs Blanches
Lappel de lAfrique
se diffusa dans lair froid du Canada comme une odeur de café
ou de cannelle dans la nuit tropicale! Venue de St-Norbert dArthabaska,
Adelaïde Morin fut la première Canadienne-française à entrer
dans la congrégation et à mourir en Afrique (1934) après une
vie missionnaire dont une partie fut consacrée à relever la
dignité des femmes dAlgérie par le moyen de leur tissage
traditionnel amélioré par des métiers canadiens. Le premier Père
Blanc canadien, John Forbes, voyagea vers Alger en 1896 avec 4
autres Canadiennes dont 2 persévérèrent : Mélanie Picard
de St-Antonin de Rivière du Loup et Marie Bourque née à Québec.
Cette dernière fut lune des 4 fondatrices du Postulat de
Québec en 1903. Léda Bégin dHéberville fit partie de la
première caravane qui se rendit au Kenya. Et le mouvement se
continua.
Le don des
familles chrétiennes dAmérique à lAfrique
Pendant cette période
de 100 ans, 464 canadiennes ont prononcé leur engagement
missionnaire ainsi que 93 américaines. Cela signifie que quelque
557 familles dAmérique ont vu partir leur fille pour la
mission dAfrique avec les Soeurs Blanches. Souvenons-nous
quau XIXè siècle, une fille sur 8 était au couvent et en
1960, le Canada comptait 6000 missionnaires à létranger.
Depuis 13 ans,
nous sommes à Morelia au Mexique et lappel que nous
transmettons aux Mexicains-nes, rejoint celui du Pape lors de sa
visite : Amérique, lève-toi, le temps est venu de partager
ta Foi.
La réponse,
encore mitigée, fait son chemin entre différents appels et la générosité
dun coeur prêt à aventurer sa vie, comme le suggérait Thérèse
dAvila.
Congrégation
internationale
Notre Congrégation
a atteint son plus grand nombre en 1966 avec 2163 soeurs de
diverses nationalités. Aujourdhui, nous sommes 1050
membres de vingt-neuf pays différents; les Assistantes générales
sont : congolaise, allemande, espagnole; la supérieure générale,
Marie McDonald est écossaise. Les plus jeunes des 235 apôtres
sur le terrain en Afrique sont généralement africaines. Nous
avons des communautés interraciales au Maghreb : Algérie,
Tunisie, Mauritanie; en Afrique de lOuest : Mali,
Burkina, Ghana, Tchad; aux grands lacs : RD du Congo,
Rwanda, Burundi; en Afrique de lest : Kenya, Uganda,
Malawi, Zambie, Tanzanie, Mozambique.
Vocations
africaines
Le tarissement
des vocations ici et leur multiplication dans dautres
parties du monde nous décape et nous décentre. Huguette Le
Blanc, la secrétaire nationale de lOeuvre Pontificale de
Saint-Pierre-Apôtre, invite à contempler limmense nef
de lÉglise missionnaire en Afrique, Asie, Océanie et Amérique
du Sud. LAmour qui les appelle à travers la voix de lÉglise,
na pas de frontières de races ou de cultures... (lettre
de Noël 2002) Qui ne voit que la Mission est inversée?
Que tout loccident est devenu pays de mission?
Il reste, que
pour notre congrégation, le plus heureux de ses
accomplissements, est davoir collaboré avec les Évêques
de 11 pays dAfrique, à la création entre 1903 et 1986, de
21 congrégations de religieuses africaines et dun Institut
Séculier. Cest lEsprit, qui se faisant pressant en
elles nous suppliait de les former à cette vocation. Ces jeunes
filles, avant même dapprendre à lire, savaient quelles
devaient être tout à Dieu. Elles se sentaient capables daller
à contre-courant des oppositions, à lintérieur dune
culture de la maternité à laquelle les femmes ne devaient pas
échapper. A cette oeuvre éminemment apostolique, ont participé
95 soeurs canadiennes, et 10 américaines avec des équipes
internationales. Linfluence de ces soeurs africaines est
grande pour léducation et la transformation de leur peuple.
« Vous avez fait de nous des égales » résonne
agréablement à notre oreille, quand une de ces congrégations
nous remercie de les rendre autonomes.
Dans les pays
musulmans du Maghreb, notre approche a toujours été le
dialogue quotidien de la vie et du coeur. Lavigerie avait même défendu
dy faire aucun baptême afin de ne pas soulever les
agressivités de lIslam mais plutôt de pénétrer peu à
peu les mentalités avec les valeurs évangéliques.
Former une
femme cest éduquer une nation disait le proverbe.
Chacune de nous, dans le petit domaine de compétences quelle
développait était un peu comme cette soeur espagnole qui était
sage-femme au Mali : quand jai la confiance des
femmes, elles memmènent leurs enfants pour les soigner,
puis leur oncle et leur mari, leur mère et leurs tantes...à la
fin, je suis en contact avec toute la population...!
Les femmes, cest
connu, ne peuvent être prêtres, aussi, pendant que les hommes
usent de leur pouvoir de consacrer le pain et le vin, les femmes
ont toujours celui de laver les pieds et multiplier les pains. Faites
ceci en mémoire de moi a aussi ce sens. Cest ainsi que
nous nous retrouvons encore dans les camps de réfugiés de cette
guerre qui nen finit plus, nous tenant au plus creux de la
misère avec les populations désespérées; auprès des sidéens
après avoir fermé les léproseries dont on na plus besoin
tant le progrès est grand de ce côté. Le trafic sexuel des
femmes et des enfants se présente comme un nouveau défi auquel
nous répondrons en bâtissant un réseau qui sétendra sur
tous les continents par lunion de toutes les religieuses
dans le monde avec les humains de bonne volonté. Les Supérieures
majeures en ont fait la promesse à Rome en mai 2001. Au Ghana,
une Américaine travaille à temps plein à tisser le réseau
ghanéen en lien avec nos soeurs dAllemagne et de Hollande.
Savoir durer
savoir quitter...
Les progrès de
la médecine et des transports ont permis de nous faire échapper
à la mort prématurée des premiers missionnaires. Et après
avoir traversé épidémies, paludisme, guerres, catastrophes
naturelles, nous nous retrouvons un jour, définitivement hors de
lAfrique. Et le choc peut être grand!
Nous sommes
actuellement 140 Canadiennes et 12 Américaines revenues dans nos
pays respectifs après une moyenne de 30 ans en Afrique. A la
mesure de nos forces, nous nous engageons dans les domaines où
notre société nous interpelle : les personnes âgées et
marginales, laide à lintégration des immigrés
africains et autres, la rencontre du monde musulman qui est notre
charisme fondateur. Nous entrons dans la culture de la non-violence,
signons des pétitions et faisons des marches, pour plus de
justice et déquité en ce monde et contre toutes les
guerres. Les services internes et ladministration de nos
propres soeurs âgées et malades prennent aussi une partie de
nos énergies jusqua ce que vienne notre propre tour de
« donner enfin notre vie ». Nous croyons que cette
offrande irradie sur le monde.
Nous avons quitté
depuis longtemps la rue des Remparts qui nous avait accueillies
en 1903. Ce lieu était prophétique : remparts flanqués de
canons anglais, sur les bords du St-Laurent doù partaient
les grands bateaux pour lEurope et lAfrique. Face à
lIle dOrléans où sont couchés plusieurs ancêtres
du Nouveau-Monde, carrefour dentrée sur le continent américain,
à lombre de lHôtel-Dieu où les Augustines qui nous
avaient devancées de 2 siècles, nous formaient aux soins
infirmiers, au coeur du quartier latin où se brassaient les idées
nouvelles. Nous avons multiplié les maisons au Canada
francophone et anglophone, aux USA et depuis peu au Mexique.
Nous sommes
maintenant devenues invisibles, sans habit distinctif, sans
panneau sur nos maisons car nous continuons à nomadiser et
habitons les maisons des autres, mais nous nous savons rattachées
par la Congrégation à plus grand que nous et notre vie garde
sens pour lAfrique.
Quallons-nous
célébrer en cette année centenaire?
La tendresse de
Dieu pour chacune de nous car Il nous a fait entrer dans son
intimité : je ne vous appelle plus serviteurs- servantes
mais je vous appelle mes amis amies.(Jean 15).
Nous célébrerons
aussi le don de lAfrique à chacune de nous et à notre
Congrégation car nous avons été façonnées par elle, elle est
comme un sceau sur notre coeur.
Malgré la grande
misère actuelle de lAfrique déchirée par les guerres,
pillée par les compagnies internationales, exclue des grands débats,
un chant sélève de ce coeur en réserve pour lhumanité
(Césaire) Ses fils et ses filles, en exode sur tous les
continents, transmettent son humanisme, son amour de la vie. La
vie a un sens, elle est belle et on doit la chanter et la danser.
Nous célébrerons
aussi cette année la fidélité des bienfaiteurs de la mission.
Pendant ces cent années, nous avons été soutenues et portées
par nos parents, nos amis-es, nos bienfaiteurs qui étaient à larrière-plan
mais indispensables. Les évêques qui nous ont ouvert leur diocèse,
les Congrégations qui nous ont accueillies, les comités
missionnaires et les ONG. Notre merci montera en prières dactions
de grâces.
Quelle mission
au troisième millénaire?
La mission
aujourdhui est davantage un partenariat et une pro-existence :
démarche mutuelle de conversion et de croissance dans le
dialogue dont on ne revient pas indemne, dit le Général des
Missionnaires dAfrique, François Richard. Il ajoute :
« Notre rêve est de voir lAfrique de demain jouer un
rôle de premier plan dans le monde pour une co-existence
interreligieuse pacifique et constructive. »
Notre Chapitre général
suggérait : Nous travaillons à développer une culture
de paix et damour dans notre relation au monde musulman et
une présence dencouragement et despérance dans une
Afrique bouleversée.
Émergence du
laïcat missionnaire
Nous recevons de
plus en plus de demandes de laïques voulant apporter à lAfrique
leur jeunesse ou leur expérience, leur formation professionnelle.
Ils sont mus par un désir de rencontre de lautre, un
besoin de partage, et le même vent de folie que les
premiers apôtres. Ils nous demandent de les aider à se préparer.
Depuis 5 ans, nous y travaillons de notre mieux et nous nous
voyons entourées de gens désireux de partager notre charisme
dans la prière, la mise en commun, prêts à vivre le Tout à
Tous, la Caritas de Lavigerie. Ces associé-es (ou Kizito) sont
doublés par dautres groupes de retour dAfrique ou
simplement intéressés à se nourrir de notre charisme : ce
sont les Affilié-es
Pierrette
Pelletier, smnda