No 46 Septembre 2001.4
Afrique du Sud
Conférence mondiale contre le racisme, la
discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance
"Le 16 mai, l'assemblée nationale algérienne a adopté des amendements au code pénal durcissant les peines pour diffamation par voie de presse et sanctionnant les prêches subversifs tenus par les imams dans les mosquées. Le vote s'est déroulé dans une ambiance houleuse. La presse s'est déchaînée sur le thème de la mise à mort des libertés".
Voilà une nouvelle de l'Afrique parmi tant d'autres. Elle relate seulement l'intolérance et la discrimination comme étant des réalités de chaque jour. En voici une autre de l'Europe :
"Vivre dans la pauvreté , se sentir impuissant et exclu peut conduire à désigner des boucs émissaires", déclarait dernièrement le Premier ministre suédois, M. Persson, au nom de l'Union européenne. Constatant la montée du racisme et de l'intolérance en Europe, il ajoutait : "Nous devons être prêts à nous confronter au désespoir, car sinon d'autres forces le feront".
Et, plus près de chez nous :
"La société québécoise adopte l'attitude d'une société assiégée", nous dit Jesus Jimenez Orte, président du conseil d'administration de la Ligue des droits et libertés du Québec. "Elle se perçoit comme minoritaire. Alors, elle veut se justifier. Pas en rejetant les communautés culturelles, mais en leur demandant fortement de s'intégrer aux groupes majoritaires, ceux-ci n'étant pas prêts à faire le sacrifice par eux-mêmes. En somme, la société québécoise se révèle plutôt tolérante, mais elle n'échappe pas à la construction d'un discours dominant sur ce qui est tolérable."
On le voit, l'intolérance se manifeste partout dans le monde. Bien sûr, elle n'apparaît pas toujours avec la même intensité et la même violence. Mais, tout de même, l'interdiction de toute discrimination fondée sur la race est un des principes directeurs des Nations unies. La Déclaration universelle des droits humains (1948) et d'autres instruments juridiques internationaux y font expressément référence. En dépit des efforts soutenus déployés par la communauté internationale, la discrimination raciale persiste dans le monde entier. En 1997, l'Assemblée générale des Nations unies a décidé de convoquer, au plus tard en 2001, une Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. Cette décision reflète l'inquiétude grandissante de l'opinion internationale face à la montée de ces fléaux, ainsi que la prise de conscience des enjeux et des perspectives, de la lutte contre ceux-ci.
Cette conférence, organisée par le Haut commissariat des Nations unies aux droits humains (Genève), se tiendra du 31 août au 7 septembre 2001, à Durban, en Afrique du Sud. Mary Robinson, haut commissaire des Nations unies, a été nommée secrétaire générale de la Conférence. Le Comité préparatoire de la Conférence, qui est chargé de la rédaction du projet de Déclaration et du Programme d'actions provisoires, a choisi un "slogan" qui résume le thème général de la conférence : "Unis contre le racisme : égalité, justice, dignité". Cinq grands thèmes de réflexion et d'action sont mis en avant par le comité préparatoire :
Madame Robinson a nommé sept personnalités de renommée internationale dans les domaines de la littérature, de la musique et de la défense des droits humains. Elles ont été choisies en décembre 1999, comme "premiers ambassadeurs de bonne volonté" pour la Conférence mondiale. Il s'agit des lauréats du prix Nobel de littérature Wole Soyinka du Nigéria et Seamus Heaney d'Irlande; de l'acteur et musicien panaméen Rubén Blades; de l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun; du sitariste indien Ravi Shankar; de l'ancienne présidente d'Islande Vigdis Finnbogadottir et de Marian Wright Edelman, des Etats-Unis, défenseur des droits de l'enfant. Madame Robinson a estimé que l'engagement de ces "personnes remarquables" en faveur de la tolérance et de la compréhension entre les peuples et les communautés est ce dont a besoin la communauté internationale alors qu'elle se prépare à aborder l'un des maux les plus insidieux et persistants de l'humanité, le racisme, la xénophobie et les autres formes d'intolérance.
La première tâche des Nations Unies est de maintenir et de promouvoir la paix dans le monde. C'était le but essentiel des fondateurs de l'Organisation et il reste actuel.
La seconde tâche de l'ONU est la promotion du développement. Aujourd'hui encore, une part importante de la population mondiale vit dans des conditions de misère qui sont une offense à la dignité humaine. Bien des maux sont associés à la pauvreté, comme la guerre, la dégradation de l'environnement et les catastrophes naturelles, ainsi que les épidémies. Comment ne pas souligner que la plupart de ces fléaux touchent d'abord l'Afrique et ne pas invoquer pour elle une attention spéciale et des efforts qui soient à la mesure de ses besoins.
Kupelesa Ilunga, jésuite congolais de Kinshasa, disait ceci à propos du drame de l'Afrique Centrale. "L'intolérance a déclenché une agressivité forte qui s'extériorise par des actes de barbarie ignoble qui caractérisent la culture de la mort. L'agression, chez nous, utilisant un paravent dénommé rébellion qui s'opposerait à la politique d'exclusion, ressemble plutôt au théâtre en carton. Il est difficile de comprendre que, pour garantir la paix à ses frontières, il faille agresser son voisin. Or aucun pays ne se défend d'abord en négociant. Du coup, la paix, la justice, la tolérance et la prospérité ne cessent de nous échapper entre les doigts pour laisser place à tout ce qui renforce l'intolérance, le trouble et la désolation."
La troisième tâche de l'ONU est la promotion des droits humains. Ce combat n'est jamais terminé. On peut penser ici au premier de ces droits qui est le droit à la vie, si souvent mis en péril.
La quatrième tâche de l'ONU est de garantir l'égalité de tous ses membres. Ceux et celles qui font des discriminations violent l'égalité fondamentale de toutes les personnes, égalité qui a son fondement dans leur dignité commune.
L'article premier de la Déclaration Universelle des Droits humains (1948) déclare : "Tous les hommes naissent libres et égaux en droits et en dignité. Ils sont dotés de raison et de conscience, et ils doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité". Et la Constitution conciliaire "Gaudium et Spes" de l'Église catholique déclare : "Tous les hommes, doués d'une âme raisonnable et créés à l'image de Dieu, ont même nature et même origine; tous, rachetés par le Christ, jouissent d'une même vocation et d'une même destinée divine : on doit donc, et toujours davantage, reconnaître leur égalité fondamentale" (No 29).
C'est pour cela, bien sûr, que le Pape Jean-Paul II a exprimé son appui à cette Conférence mondiale qui aura lieu en septembre prochain en Afrique du Sud. Il encourage toutes les initiatives destinées à empêcher la dissémination du racisme et de l'intolérance.
En réalité, l'intolérance et la discrimination sont, comme on le disait plus haut, en augmentation et touchent la gamme très vaste des droits fondamentaux des personnes et des communautés, mais concernent beaucoup plus celles qui se trouvent en situation de faiblesse, physique, sociale, culturelle, politique, ethnique, religieuse, etc.
En effet, à la base de l'intolérance et de la discrimination, il y a, comme racine commune, le préjugé de sa propre "supériorité", qui naît et se renforce sous des motifs et des intérêts les plus divers, souvent considérés comme justes et bons. D'où la nécessité, mais aussi la difficulté, de l'uvre d'éducation à la tolérance et au respect, que ce soit par la famille, l'école ou l'État.
Il arrive parfois que le mot "tolérance" revête une connotation négative. On peut en effet l'associer à une sorte de condescendance. Une sorte de paternalisme où la personne tolérante occupe une place privilégiée par rapport à ceux et celles qu'elle tolère. Cette façon de percevoir la tolérance nuit à l'idée même de la tolérance. La véritable tolérance n'a rien à voir avec la condescendance. Elle concerne plutôt le respect des droits fondamentaux, déjà cités. Devient donc intolérable tout ce qui porte atteinte à ces droits et à la dignité de la personne humaine, que ce soit fait au nom de n'importe quelle croyance ou pratique culturelle.
Être tolérant finalement, c'est respecter l'autre. C'est vraiment la connaissance ou l'acceptation de l'autre dans sa différence qui nous donne la sagesse de la tolérance.
Il en va des hommes comme des fleurs! Les fleurs! Quelles deviendraient vite lassantes sil leur arrivait davoir toutes la même forme, la même couleur et le même parfum. Cette diversité qui nous enchante quand il sagit des fleurs, elle nous est parfois insupportable quand il sagit des personnes. Pas moyen de penser ou de vivre autrement que vous sans quaussitôt je vous déplaise. Vous pensez bleu et je pense rouge: nous voilà adversaires. Vous êtes pour lautorité et moi pour la liberté, cen est assez pour que je perde votre estime et vous, la mienne. Je suis coupable de ne pas être ce que vous êtes. Tout aussitôt nous voilà séparés, adversaires ou ennemis.
De là naît lintolérance: de la certitude que nous avons de posséder le monopole de la vérité et davoir seuls raison. Fruit de lorgueil et de la bêtise -lesquels dailleurs sont jumeaux- lintolérance a semé les conflits et les guerres tout au long de lhistoire. Nous ne nous en sommes pas libérés pour autant. Pour cela, il faudrait désarmer notre suffisance.
Jésus nous dit: "Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin dêtre vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes" (Mt 5, 44-45).
Eh bien! Soyez la rose si je suis le muguet, et contentons-nous de nous épanouir -pour un temps- dans le vaste jardin où Celui qui nous a semés nous donne, jour après jour, notre ration deau et de lumière.
Michel Fortin, M.Afr.