Africana Plus

No 35 Mars 1999.2



Québec

Écoles : l'éducation religieuse


"Je me souviens"
Tel est la devise du Québec.
Lorsque l'on parle de "retirer la religion des écoles", on touche à la tradition d'un peuple et à son identité.
Dans un chant de la communauté de Myriam Beth'Lehem intitulé "Ce pays", on dit :

Ce pays, de toute éternité, il est béni. Ce pays, celui qui m'a vu naître, il est choisi Pour semer la Parole sur tous les continents, Pour donner l'espérance, en tous lieux, en tout temps, ce pays... Dans son histoire, des saints ont franchi des frontières, Dans son histoire, ils ont planté la croix, Rassemblé les colons et fondé des villages, Éduqué les enfants et soigné les malades. Marie et Catherine, Kateri, Mère Bourgeoys, Les Martyrs canadiens, Monseigneur de Laval.

Est-il possible d'oublier toute cette "foi" (et non seulement cette "religion") qui fut à l'origine de ce pays ? Le Québec, comme la majorité des pays occidentaux, a été profondément marqué par la tradition chrétienne. Et qui plus est, il s'est construit autour de la religion catholique qui, elle, a alimenté la foi de ses bâtisseurs.

Le visage du Québec en porte les marques partout : il n'y a qu'à consulter une carte de "La belle province" pour en découvrir tout l'héritage chrétien. Il y a là toute la mosaïque des saints du ciel : de St-Jovite à St-Anne, de St-Jérôme à St-Jean, en passant par Ste-Julie et St-Matthias.

Il est aussi instructif de parcourir les rues de Montréal ou de toute autre ville ou village québécois : le sanctoral y est étalé et saute aux yeux de tout étranger visitant ce pays "si religieux" disent-il... du moins de par sa tradition.

Cette foi a été transmise par des missionnaires venant d'Europe, de France principalement. Ils ont planté la croix sur cette "Nouvelle France". Cette foi a nourri les valeurs d'accueil, d'ouverture, de compréhension et de générosité qui sont décernées au peuple québécois à travers le monde : c'est un peuple de paix.

83% des adultes québécois s'identifient à la religion catholique et la grande majorité de ceux-ci demandent l'enseignement catholique pour leurs enfants. Ce n'est pas négligeable. Ils ont sûrement un mot à dire dans le type d'école qui correspond le mieux à leurs convictions religieuses.

Ces parents croient, avec raison, que l'enseignement religieux va aider leurs enfants à conserver les valeurs spirituelles et morales qui en feront des hommes et des femmes de coeur et d'intériorité. Les valeurs prônées par la société de consommation vont souvent à l'encontre de celles privilégiées par l'Église, porteuse de la foi. Le bonheur qu'elle met de l'avant est un bonheur non par accumulation mais par épuration. Un bonheur qui n'est pas d'être lourd de tout mais d'être heureux d'un rien, qui ne charge pas nos années mais qui les rend légères; le bonheur souple et libre porté vers l'infini par le souffle transparent des choses éternelles.

Bien sûr, le modèle de "laïcité ouverte" fait une place à l'enseignement "culturel" des religions, mais cet enseignement va-t-il aider au développement des convictions qui, elles, feront des enfants d'aujourd'hui des hommes et des femmes de foi, comme l'ont été les ancêtres de ce pays ?

On a besoin de témoins qui osent dirent leur foi avec conviction. Il y a malheureusement eu, ces dernières années, des enseignants si peu convaincus de ce fait qu'ils ont davantage détruit la confiance des enfants dans leur tradition chrétienne qu'ils ne l'ont encouragée. Ils enseignaient la religion parce qu'on avait besoin d'eux pour boucher des trous dans la grille horaire de leur établissement scolaire. Ils ne furent souvent que de faux témoins. Heureusement, ils ne sont pas la majorité. Il y a eu aussi de vrais témoins, surtout à l'école primaire, qui se dépensèrent sans compter pour présenter à leurs élèves des cours de catéchèse qui sont, encore aujourd'hui, des petits bijoux d'éducation chrétienne. De quoi les inciter à vouloir grandir dans la foi de leurs pères.

Oui, on a besoin de témoins qui osent affirmer la richesse de cette foi chrétienne. À leur tour, les gens de ce pays ont porté en terre étrangère ce qu'ils avaient reçu des autres. Des milliers de missionnaires ont quitté leur pays pour partager ces convictions avec des frères et des soeurs d'autres continents. À l'époque de l'Église missionnaire puissante, ils partaient pour convertir. Aujourd'hui, les missionnaires québécois vont de par le monde proposer les valeurs de don de soi et d'amour gratuit héritées de Jésus-Christ. Ils y vont comme des témoins pour développer et enseigner, pour guérir et bâtir, comme l'ont fait leurs ancêtres. Essentiellement pour partager et encourager, non pour convertir dans le sens de tordre les bras.

Le Québec est à nouveau une terre de mission. Et, à nouveau, il a besoin de témoins.

Ce pays, par ses nombreux témoins, il fut béni. Ce pays a besoin de nos bras dès aujourd'hui. Veux-tu poser ta pierre, relever le défi ? En devenant Parole, ouvrons un champ de vie, ce pays... Dans son histoire, des saints ont vécu pour les autres, Dans son histoire, comme artisans de paix. Pour consoler leurs frères, ils ont perdu leur vie, Annonçant aux petits l'amour de Jésus-Christ. Marguerite d'Youville, Soeurs Dina et Délia, Frère André, Frédéric, Mère Marie-Léonie.

À leur façon, ils apportent leur pierre unique à l'édification de ce pays.

Les premiers témoins que les enfants ont besoin de voir agir chrétiennement sont leurs parents. Ils peuvent bien opter pour l'enseignement religieux dans les écoles, mais s'ils ne démontrent pas de sérieux dans leur vocation de baptisés, l'enfant rejettera cet héritage chrétien dont ses parents se réclament tant. À qui l'enfant ressemble-t-il le plus, sinon à ceux-là que Dieu lui donne comme modèles. Les mots qu'il dit, les gestes qu'il pose, ce sont ceux-là mêmes qu'il entend dire et qu'il voit faire, jour après jour, par ces deux êtres qui lui sont les plus proches par le coeur et par l'habitude. Qu'il s'inspire de ces modèles, rien de plus naturel en somme. C'est le contraire qui serait surprenant. Raison de plus pour les parents d'être vraiment exemplaires. Vouloir former un humain et un chrétien sans être ÉDIFIANT soi-même, c'est une impossible gageure.

L'école est un lieu d'apprentissage et de transmission des valeurs chrétiennes. Mais, il y a aussi l'école de la vie qui, elle, ne trompe pas. Un enfant sait très bien départager l'honnêteté de l'hypocrisie, surtout si celle-ci vient de l'un de ses proches.

Il ne faut pas nous faire complice de la déspiritualisation de cette société. Et l'on ne peut pas rejeter toute la responsabilité chrétienne sur la seule école. Il est par trop facile de se décharger sur les autres des tâches qu'on n'a pas le goût d'accomplir soi-même, à savoir dans le cas présent, l'éducation chrétienne de ses enfants. On se doit d'être pour eux des témoins crédibles.

Ce pays, il se bâtit par toi qui veux aimer. Ce pays n'est pas un territoire à posséder, C'est un espace où chaque homme peut devenir un frère. Aujourd'hui, c'est le monde qui aimerait se faire Ton pays, mon pays, ce pays!

Michel Fortin, M.Afr.


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