Africana Plus  

No 68 Janvier 2006.1



Résolution de l'ONU

2006: Année internationale
des déserts et de la désertification


En décembre 2005, Montréal recevait des milliers de délégués du monde entier venus chercher des solutions au réchauffement de la planète. On constatait alors l’impact de ces changements climatiques dans les pays les plus pauvres. De manière générale, les pays du Tiers-Monde sont souvent vus, à juste titre, comme des victimes de ces changements. Dans plusieurs régions du monde, comme dans les pays sahéliens de l'Afrique, le réchauffement semble aggraver les phénomènes de sécheresse et de désertification.

Le lancement de l’Année internationale des déserts et de la désertification 2006, qui a eu lieu en marge des travaux de la 60e session de l’Assemblée générale des Nations unies, a fait l’objet d’une conférence-débat. Le thème est de la plus haute importance d’autant plus que de graves menaces, telles que la sécheresse et l’avancée du désert, pèsent sur une grande partie de la population mondiale et ont des conséquences en termes d’insécurité alimentaire, de migration et de augmentation des causes de désertification.

C’est pourquoi Kofi Annan a déclaré 2006 Année Internationale des déserts et de la désertification. Cette résolution de l’ONU jouera un rôle prépondérant dans les efforts que déploie la communauté internationale pour éliminer la pauvreté, parvenir à un développement durable et atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement.

La désertification pose des risques évidents et graves. Elle entame la fertilité des sols qui, dans certaines régions, perdent jusqu'à 50% de leur productivité. Elle contribue à l'insécurité alimentaire, à la faim et à la pauvreté et peut susciter des tensions sociales, économiques et politiques qui, à leur tour, entraînent des conflits et une aggravation de la pauvreté et de la dégradation des sols. D'après les estimations actuelles, les moyens de subsistance de plus d'un milliard de personnes sont compromis par la désertification et, par conséquent, 135 millions de personnes risquent de devoir abandonner leurs terres. Les pauvres des régions rurales sont particulièrement vulnérables, surtout dans le monde en développement.

Le désert

Pour la plupart des gens, le mot «désert» évoque des dunes de sable ondulant au vent chaud ou quelques nomades errant dans l'immensité. Mais il existe bien d'autres types de déserts où les dunes ne sont pas la règle. Ainsi l'Antarctique ou le grand Nord est fait d’espaces désertiques, parce que l'eau y est prise en glace. Quant aux régions arides, que l'on trouve aussi bien sous des climats toujours chauds, par exemple en Arabie, que sous des climats à hiver froid, comme dans les steppes d'Asie centrale, leur trait commun est qu'il y tombe moins d'eau en moyenne qu'il ne s'en évapore, et que la vie doit s'adapter à ce déficit. Là où la pluie est presque absente - au Sahara ou dans le Gobi - il n'y a quasiment pas de vie. Sauf si l'on peut tirer de l'eau d'irrigation de fleuves venant d'ailleurs, comme en Égypte, en Irak ou dans la région de l'Indus, qui ont jadis vu naître les grandes «civilisations hydrauliques». Sauf aussi quand on peut puiser dans des eaux souterraines fossiles, que l'on exploite pour un temps limité, comme aujourd'hui en Libye. Là où il tombe suffisamment d'eau pour permettre le pâturage, voire quelques cultures sèches, on parle de régions semi-arides. On en voit beaucoup en Afrique, en Inde, en Argentine ou en Australie.

L’Algérien, Chérif Rahmani, ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire et président de la fondation Déserts du monde (FDM), a annoncé l’accueil par l’Algérie, en octobre 2006, d’un sommet mondial de haut niveau, dont le thème choisi en corrélation avec l’année internationale portera sur « la désertification et la lutte contre la pauvreté et la migration ». Il sera aussi question, dans le courant de l’année prochaine, de l’inauguration de l’Institut des déserts du monde, à Ghardaïa. Profondément préoccupée par l’aggravation de la désertification, en particulier en Afrique, et ses répercussions d’une portée considérable sur la réalisation des objectifs de développement énoncés dans la Déclaration du millénaire, en particulier celui relatif à l’élimination de la pauvreté, l’assemblée générale des Nations unies a décidé de déclarer 2006 Année internationale des déserts et de la désertification. Le but est aussi de sensibiliser davantage le public et de protéger la diversité biologique des déserts. On espère préserver aussi les connaissances traditionnelles des populations touchées par ce phénomène. Plus de 110 pays ont des terres arides qui sont potentiellement menacées par la désertification. L’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine sont les régions les plus menacées par la désertification. Un tiers de la superficie des terres émergées du globe (4 milliards d’hectares) est menacé par la désertification, et plus de 250 millions de personnes sont directement affectées par ce problème. 24 milliards de tonnes de sols fertiles disparaissent chaque année. La désertification a des effets sur tous les aspects de la vie, ce qui souligne à quel point l’environnement et les moyens de subsistance sont interdépendants.

La lutte contre la désertification en Afrique

C'est en Afrique que la désertification fait le plus durement sentir ses effets. Les zones désertiques ou arides représentent les deux tiers du continent. L'Afrique comprend de vastes étendues de terres agricoles arides, dont près des trois quarts souffrent déjà de dégradation à des degrés divers. La région connaît des sécheresses fréquentes et marquées. De nombreux pays africains sont sans littoral, connaissent une pauvreté largement répandue, ont besoin d'une aide extérieure importante et sont lourdement tributaires des ressources naturelles pour leur survie. Leur situation socio-économique est difficile, leurs structures institutionnelles et juridiques comportent des lacunes, leurs infrastructures présentent des faiblesses et leurs moyens scientifiques, techniques et éducatifs sont insuffisants. Cette situation difficile explique pourquoi les pays africains ont consacré tant d'efforts à persuader la communauté internationale de la nécessité d'une " Convention sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique ".

La désertification de l'Afrique est étroitement liée à la pauvreté, à la migration et à l’insécurité alimentaire. Dans de nombreux pays africains, la lutte contre la désertification et la promotion du développement représentent pour ainsi dire un seul et même combat du fait de l'importance économique et sociale que revêtent les ressources naturelles et l'agriculture. Lorsque la population vit dans la pauvreté, elle n'a guère d'autre choix que la surexploitation des sols. Lorsque la terre, à la longue, ne se prête plus à une exploitation rentable, les habitants sont souvent contraints de migrer, à l'intérieur du pays ou en passant les frontières. Ces migrations risquent à leur tour d'aggraver les pressions qui pèsent sur l'environnement et de provoquer des tensions et des conflits sociaux et politiques. (Il est important d'avoir établi un lien avec la migration pour faire admettre à la communauté internationale que la désertification est bel et bien un problème d'envergure mondiale, tout comme les changements climatiques et la diminution de la diversité biologique.) Enfin, la sécurité alimentaire peut en venir à être menacée lorsque des populations qui vivent déjà dans des conditions précaires ont à faire face à de graves sécheresses et à d'autres catastrophes.

Les pays africains ont pris un bon départ, mais l'essentiel reste à faire. Pour réussir dans leur tâche, les pays touchés doivent veiller à ce que la lutte contre la désertification reçoive une priorité absolue. Il leur faut créer un environnement favorable en adoptant des mesures juridiques, politiques, économiques, financières et sociales appropriées. Il se peut par exemple qu'ils doivent modifier leur réglementation relative à l'occupation et à la propriété des sols, décentraliser davantage l'administration publique et renforcer les droits politiques à l'échelon local. Parallèlement, les partenaires extérieurs doivent faire la preuve de leur engagement sans faille en nouant des relations productives avec les pays touchés. Il faut enfin redoubler d'efforts, notamment en matière de renforcement des capacités et d'appui financier, pour que les ONG et la société civile puissent demeurer des partenaires actifs tout au long de la phase de mise en œuvre.

Les femmes et la désertification

"On estime que, chaque année, la désertification et la sécheresse entraînent une perte agricole de 42 milliards $. Dans de nombreuses régions agricoles arides, par exemple dans la plus grande partie de l'Afrique, ce sont les femmes qui, traditionnellement, consacrent leur temps et leur énergie au travail de la terre", affirme le Secrétaire général des Nations unies. Dans les pays en développement, elles représentent environ 70% de la main-d'œuvre agricole et produisent entre 60 et 80% des denrées alimentaires. Ce sont les femmes surtout qui traitent, gèrent et commercialisent ces denrées pour leur famille. Confrontées à la dégradation du milieu, entre autres problèmes, elles ont appris à y faire face et acquis ainsi une expérience précieuse. "Mais en dépit de leurs efforts et des connaissances qu'elles ont accumulées, les femmes des régions arides sont souvent parmi les plus pauvres de la planète et n'ont guère les moyens de changer les choses en profondeur", dit encore Kofi Annan.

La mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse ou la désertification, en particulier en Afrique, repose pour une grande part sur l'action des femmes. Cependant, comme ce sont les hommes qui possèdent la terre et le cheptel et qui prennent les décisions, les femmes sont souvent exclues des projets de conservation et de mise en valeur des terres, des activités de vulgarisation agricole et de l'élaboration des politiques générales. On constate cependant certains progrès. Dans beaucoup de pays, les femmes commencent à accéder à la propriété foncière et à participer à la prise de décisions. Les États membres de l'ONU reconnaissent de plus en plus que la lutte contre la désertification se heurte au manque de moyens financiers. Cette évolution ouvre pour les femmes de nouvelles possibilités de changer leur vie, leur société et leur environnement.

Prendre soin de l’environnement

Ce n'est pas l'homme qui a créé les déserts, comme on le dit parfois. Mais il est vrai qu'il contribue à la désertification. De nos jours en particulier, une pression démographique accrue, ainsi qu'une agriculture et un élevage trop intensifs provoquent, dans les régions semi-arides du Sahel africain par exemple, une dégradation accélérée des sols et une aggravation des sécheresses. L'activité humaine pourrait modifier l'évolution des régions arides par une autre voie. On estime en effet que l'accumulation dans l'atmosphère de gaz carbonique provenant des automobiles, du chauffage ou d'autres gaz d'origine industrielle et agricole peut conduire à un réchauffement de la Terre par «effet de serre». Les conséquences, à l'échelle régionale, d'un tel réchauffement ne peuvent pas encore être prédites, mais il est possible que, dans quelques dizaines d'années, certaines régions arides le seront encore plus, alors que d'autres le seront moins. L'homme pourrait ainsi déclencher un changement climatique d'importance, comparable à ceux qui se sont produits au cours de l'histoire géologique.

Le 4 octobre 2003, jour de la fête de saint François d'Assise, patron de l'écologie, les évêques du Canada publiaient une lettre pastorale sur l’écologie. « Nous, les humains, sommes présentement en train de détruire la création ». C’est ainsi qu’ils interpellaient les catholiques à prendre soin de l’environnement et à respecter les merveilles de la terre. Le texte relate certains des excès et des aberrations que la main humaine cause à la nature : défiguration, pollution éhontée, exploitation jusqu’à plus soif, gaspillage des ressources, appropriation sauvage. Les problèmes liés à l’eau préoccupaient tout particulièrement les évêques. « La Bible parle d’eaux vives, de l’appel à devenir une source d’eau vive, de la justice qui coule comme une rivière puissante. Mais comment peut-on parler d’eaux vives si ces eaux ne peuvent plus nourrir la vie? Sans eau, tout meurt. L’eau est le sang de la vie de la planète. »

Mettant en lumière les liens étroits qui existent entre solidarité et écologie, la lettre pastorale invitait les catholiques à embrasser des formes d’éco-justice. « ‘Jeûner’ d’actions qui polluent, accepter les inconvénients qui viennent avec la vie quotidienne qui se fait plus ‘verte’, réduire notre consommation d’énergie fossile, et prélever une « dîme » en temps, en argent et en talent au service des causes environnementales peuvent constituer des éléments de cette réponse. Nous pouvons contester l’emprise du marché sur notre vie par des efforts conscients pour éviter la surconsommation et en utilisant notre pouvoir d’achat pour promouvoir des entreprises amies de la terre. ». Par ce message, les évêques voulaient non seulement susciter la réflexion chez les fidèles, mais les amener à poser des gestes concrets pour la sauvegarde et la protection de l’environnement. « Toute la création est l’œuvre du Seigneur et elle n’est pas encore complétée. Nous sommes appelés comme co-créatrices et co-créateurs à nous joindre à l’action de Dieu pour guérir ces blessures que nos péchés écologiques ont infligées à la création. Nous sommes aussi appelés à poser des actions créatrices de solidarité avec celles et ceux qui ont un accès moins facile aux bénéfices de la création surabondante de Dieu. Ce ‘maître qui aime la vie’, qui est venu pour que toutes et tous aient la vie et l’aient en abondance, continue de nous offrir des occasions de renouveler la face de la terre. Comment pourrions-nous refuser de relever ce défi? »

Michel Fortin, M.Afr.


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