Africana Plus | |
No 88 Janvier 2010.1 |
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Comment produire propre
Le
réchauffement climatique risque de freiner le développement de l'Afrique. Le
continent doit impérativement s'adapter... en obligeant les pollueurs à participer
aux frais.
Si
le réchauffement planétaire est étroitement lié à la pollution suscitée par
l'activité économique des pays développés, les conséquences sont mondiales et
le continent africain est particulièrement exposé. Les populations pauvres en
seront les principales victimes, leurs pays n'ayant pas les moyens techniques
et financiers de s'adapter à la situation », souligne Rajendra Pachauri, chef
du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Le
rapport du Giec publié en 2007 insiste sur la vulnérabilité de l'agriculture,
de la faune, des infrastructures des régions côtières de l'Afrique face à l'augmentation
des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Aujourd'hui,
tout le monde attend la tenue, à la fin de 2009, de la prochaine conférence
mondiale sur le climat à Copenhague. Celle-ci doit déboucher sur l'adoption
d'un nouvel accord destiné à remplacer le Protocole de Kyoto signé en 1997 et
qui expire en 2012. Ce traité a eu le mérite d'obliger les pays pollueurs à
réduire leurs émissions et à mettre en place un Mécanisme de développement propre
(MDP) destiné à financer des projets contribuant à réduire les rejets de CO2
dans les pays du Sud. Mais au moment de le renégocier, le continent, longtemps
resté en marge des débats, doit impérativement défendre ses intérêts.
Dans
ce contexte, le cas de l'Afrique du Sud est très particulier. La voix de ce
pays émergent compte à l'échelle du continent, mais aussi sur la scène internationale.
« Parmi les grands pays émergents, comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, c'est
celui qui s'est engagé sur la démarche la plus proactive en se fixant un objectif
ambitieux: stopper la croissance des émissions de GES d'ici à 2025, puis les
réduire », explique Damien Demailly, chargé du programme Énergie-climat de WWF-France.
Ce pays est aussi le plus gros émetteur de CO2 du continent et le
douzième dans le monde, selon le Pnud. La plupart de ces émissions sont causées
par l'exploitation du charbon et la production d'énergie à partir du charbon.
Pour les réduire, les autorités militent notamment pour des mesures fiscales
incitatives, à l'image de celles pratiquées en Europe, afin de favoriser le
développement des énergies renouvelables ainsi que l'adoption d'une technique
de capture et de stockage du carbone pour les nouvelles centrales à charbon.
Autre
gros pollueur, le Nigeria, qui a été désigné comme l'un des plus grands émetteurs
de GES lors de la conférence d'Accra, notamment à cause du torchage du gaz.
Une pratique aberrante qui consiste à brûler du gaz pour extraire le pétrole
et qui perdure malgré les engagements pris pour y mettre un terme. « L'Afrique
du Sud compte pour 42 % des émissions, et le Nigeria et l'Algérie pour 36 %
», selon les chiffres de l'ONU. Mais, au niveau mondial, les émissions de l'Afrique
ne représentent que 3 % du total, soit moins que celles de la seule Allemagne.
À titre de comparaison, un Américain rejette 24 t de CO2 par an,
contre moins de 1 t par an pour un Africain.
À
Copenhague, le nerf de la guerre sera financier. Mais la crise financière complique
l'équation. « Dans les pays en développement, le coût de l'adaptation au changement
climatique est évalué à plusieurs dizaines de milliards de dollars par an. Or,
l'argent disponible se compte en centaines de millions », signale Damien Demailly.
Déjà, le traité de Kyoto invitait les pays riches à fournir aux pays pauvres
une technologie moderne « verte » et à les aider à faire face aux effets
des changements climatiques par la mise en place d'un MDP géré par la Convention-cadre
des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Avec cet accord,
les pays industrialisés financent des projets qui réduisent les émissions de
CO2 dans des pays en développement et sont récompensés par des crédits
pouvant être utilisés pour atteindre leurs propres objectifs d'émissions. Ces
crédits sont négociables sur les marchés internationaux: ils peuvent être revendus,
par exemple, à une aciérie en Allemagne ou une cimenterie en Suède, permettant
ainsi à ces entreprises de se conformer à leurs obligations de réduction d'émissions.
Selon l'organisation Ecosystem Marketplace, le volume d'émissions de GES compensé
à l'échelle mondiale a atteint 42,1 millions de tonnes équivalent CO2
en 2007 (contre 14,3 millions en 2006) et pourrait atteindre 1,4 milliard de
tonnes en 2020.
Cependant,
la plupart des experts préconisent une adaptation du MDP pour qu'il puisse bénéficier
plus largement à l'Afrique. En effet, à peine 3 % du millier de projets approuvés
dans le cadre du MDP y sont réalisés. « Le MDP est un mécanisme de marché, rappelle
Damien Demailly. Aussi le potentiel de l'Afrique pour ce type de projet est
plus faible, car on se heurte aux problèmes classiques de l'investissement:
taille des marchés, environnement des affaires, stabilité... Comme toujours,
les projets les plus rentables sont favorisés. Pour que le MDP puisse un jour
bénéficier aux pays les moins avancés (PMA), il est nécessaire de le réformer,
notamment en regroupant les projets.
Les
projets validés par le mécanisme MDP sont financés sur des fonds spécifiques,
dits « fonds carbone ». En 2008, la Banque mondiale gérait une douzaine de fonds
de ce type (sur une soixantaine dans le monde) et les montants engagés atteignaient
2,1 milliards de dollars. Pour aller plus loin, la Banque a décidé, en juillet
2008, de créer des Fonds d'investissement climatique. L'un d'entre eux, le Fonds
technologies propres, est destiné à financer les investissements contribuant
au transfert de technologies à faibles émissions de CO2 dans les
pays en développement, serait doté de 5 milliards de dollars. Un Fonds d'investissement
pour les forêts vient également d'être créé. Mais la mise en place de ces nouveaux
outils devrait prendre du temps. Et, en attendant, un Fonds pilote concernant
douze pays, dont le Niger, le Mozambique et la Zambie, a été mis en place pour
financer leurs investissements prioritaires en matière d'adaptation climatique.
L'Afrique
offre de nombreuses opportunités de projets MDP. Un premier type de projets
concerne la réduction des émissions d'installations existantes et s'adresse
donc aux pays émetteurs de CO2. Concrètement, il s'agit de dépolluer
en récupérant le méthane émis par les décharges, les mines de charbon, les puits
de pétrole ou encore les torchères. On dénombre quelque quarante projets identifiés
en Afrique dans les exploitations pétrolières, correspondant à 50 millions de
tonnes de CO2 par an, et neuf projets de valorisation qui concernent
la récupération du méthane lors du torchage du gaz (800000 tonnes de CO2
/an). En matière d'efficacité, la région dispose de nombreuses centrales électriques
dont les rendements pourraient être améliorés sans pour autant accroître les
émissions de CO2.
Le
deuxième type de projets s'oriente vers le développement durable grâce à l'utilisation
de technologies propres ou l'exploitation d'énergies renouvelables. Des expériences
ont été développées en matière de cogénération, par exemple à Maurice, mais
aussi de géothermie au Kenya sans oublier le solaire, notamment dans les régions
rurales, et l'éolien, avec d'importants parcs au Maroc, en Égypte et bientôt
en Afrique du Sud. Pour autant, il ne faut pas se limiter au secteur de l'énergie.
La forêt, l'agriculture, le bâtiment offrent également de bonnes opportunités
de réduction de GES.
À
Copenhague se jouera une partie importante pour l'Afrique, notamment autour
de la question de la séquestration du carbone dans le domaine de l'agriculture
et de la forêt. En généralisant les projets d'Utilisation des terres, leurs
changements et la forêt (UTCF), jusqu'alors limités aux seuls projets de lutte
contre la déforestation et de reboisement, l'Afrique pourrait tirer un réel
profit de cette dynamique. Ceux-ci ne représentent que 1 % des projets MDP,
alors que le piégeage du carbone grâce aux terres agricoles semble être une
solution très prometteuse. Labourés et laissés à nu, les sols libèrent du carbone.
En revanche, si l'agriculteur sème sans retourner la terre et laisse une couche
de paille ou de végétaux, la terre retient le carbone. L'objectif est donc de
faire en sorte que de tels projets soient pris en compte dans le MDP. C'est
aussi un moyen d'adapter l'agriculture de ces pays aux changements climatiques
en cours.
Sylvie Rantrua
Jeune Afrique hors-série No 21
L’état de l’Afrique 2009
Le Maroc mise sur l'éolien
Le Maroc mise sur les énergies renouvelables et en particulier l'éolien, avec déjà trois sites en exploitation. L'aventure a commencé en 2000 avec la réalisation du premier parc à Tétouan, d'une capacité de 50 MW et géré par la Compagnie éolienne du Détroit (CED). En 2005, le premier projet certifié MDP au Maroc s'est concrétisé parla création d'un parc de io MW. Dans le cadre de ce projet, il s'agissait pour le cimentier français Lafarge d'alimenter en énergie son usine installée à Tétouan. Enfin, un troisième parc de 60 MW a vu le jour au Cap Sim, près d'Essaouira. Le pays ne compte pas en rester là. Cette année, le plus important parc éolien devrait apparaître près de Tanger avec une puissance de 140 MW. Un appel d'offres a également été lancé pour l'implantation d'un parc de 300 MW à Tarfaya. Entre 2008 et 2010, le gouvernement a prévu de porter la capacité éolienne du pays à 600 MW, et d'atteindre un objectif de 1000 MW d'ici à 2012. (S.R.)
Les MDP par l'exemple :
Hydroélectricité:
Sur la rivière Nyagak en Ouganda, l'installation d'une petite centrale hydroélectrique desservant quelque 4000 foyers a été retenue comme projet MDP grâce à sa réduction potentielle d'environ 36000 t par an d'émissions de GES, par rapport aux sources d'énergie existantes. Grâce à l'aide financière de la Finlande et des Pays-Bas, le projet a été approuvé en zoos.
Cogénération:
Les projets novateurs de cogénération d'énergie réduisent l'utilisation de pétrole. Il faut citer ceux qui emploient des déchets de bois à la place du fuel au Gabon, ou ceux de la canne à Maurice. Spécialisée dans la fabrication de sucre et d'éthanol, la Société usinière du Sud utilise la bagasse pour produire de l'énergie électrique en remplacement partiel du charbon. À Maurice, environ 40 % des besoins d'électricité sont satisfaits par les déchets de l'industrie sucrière.
Reboisement:
Dans le massif des Aberdares, au Kenya, près de 2000 ha vont être replantés d'espèces indigènes
qui économiseront 375000 t de carbone d'ici à 2017. Au Niger et au Mali, la plantation d'acacias gommiers permettra à la fois de piéger du carbone et de procurer des ressources aux villageois qui vendront la gomme.
Géothermie:
Cette technologie qui consiste à extraire la vapeur des roches chaudes souterraines pourrait faire de la vallée du Rift, en Afrique de l'Est, le nouvel eldorado énergétique. Au Kenya, des puits de vapeur générant 4 à 5 mégawatts (MW) d'électricité ont été forés. L'expansion de la géothermie concerne toute la vallée du Rift, du Mozambique à Djibouti: Achim Steiner, directeur du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), qui finance ce projet avec le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), estime que le potentiel de cette zone est de 4000 MW. Au Kenya, une centrale géothermique de 45 MW a déjà fonctionné pendant près de 25 ans. Le pays s'est fixé pour objectif de générer 1200 MW d'ici à 2015. C'est pourquoi les autorités et les investisseurs privés cherchent à obtenir le soutien du MDP. (S.R.)